LE GLOW UP : UNE MINCE AFFAIRE ?

Depuis quelques années, un terme s'est popularisé et démocratisé chez les jeunes, il s'agit du "glow up". Ce phénomène, déjà célèbre sur les réseaux sociaux, est dès lors exponentiel et plébiscité (grâce pour certains) ou à cause de TikTok.
Le "glow up" désigne une amélioration, un embellissement physique. Il renvoie à un respect des critères physiques contemporains en opposition à un passif moins attrayant. Associé à la gente féminine, le "glow up" prônerait la minceur, canonisant des physiques fins au détriment de corps plantureux.

Avec l'avènement des technologies, l'accès rapide à l'information et les réseaux sociaux ondoyant, voire même monopolisant notre quotidien, nous sommes tous continuellement confrontés à des représentations sociétales prédominantes et parfois anxiogènes. Celles-ci, en plus d'être genrées, sont influentes car elles ont un impact sur nos perceptions et nos comportements.

Les conséquences des réseaux sociaux sont inévitables, en particulier sur la vision du corps. En effet, nous sommes exposés à des physiques dits parfaits, sveltes et socialement désirables. Ce qui en ressort est une minceur des corps chez les femmes, ornés de formes "bien placées" comme on peut l'entendre. Les hommes, eux, doivent aussi respecter les critères de minceur mais la masculinité se déploie dans la musculature, la force. Les réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok mettent en avant ces qualités physiques en érigeant des modèles à atteindre.

Depuis 2020 et l'épidémie du COVID-19, une application a détrôné les autres et a suscité un intérêt planétaire : TikTok. Mensuellement, c'est 1,2 milliard de jeunes entre 10 et 19 ans qui consomment du contenu sur la plateforme. TikTok est une application mettant en scène des courtes vidéos de toute nature, la fugacité des vidéos, le contenu rapide est ce qui est apprécié sur TikTok, nous sommes dans une logique de "fast consommation" des contenus.

Comme sur toutes les applications, certaines déviances peuvent se faire ressentir. Sur TikTok, on peut observer un culte du corps qui se déploie via des trends, le but étant de se mettre en scène sous son meilleur aspect. Ces trends permettent un communautarisme et ne sont pas que néfastes, Mais, elles sont aussi enclin à des récurrences inquiétantes. La minceur est l'élément commun aux trends TikTok et aux nombreuses danses ou aux challenges du moment. Les personnes s'essayant aux trends et qui ne se cantonnent pas à une beauté "imposée"  ni à un corps longiligne sont moquées et pointées du doigt. 

Dernièrement, une tendance a émergé sur la plateforme et fait fureur, il s'agit du "glow up", Les TikTok mettant en scène ces glow up sont accompagnés de ce même hashtag et sont étrangement mis en avant par l'algorithme de TikTok. Comme le stipule le dictionnaire orthodidacte, en ligne, "le mot glow up s’emploie comme nom et comme verbe. Dans les deux cas, il exprime l’idée de transformation positive d’une personne dans un domaine, en particulier dans son apparence physique". On comprend que cette transition physique se base sur des conditions physiques établies : minceur, peau lisse, cheveux disciplinés et majoritairement peu épais, traits fins etc.

Mais, cette trend est clairement problématique car elle promeut un physique inatteignable, qui n'est pas sain. La trend exerce une pression constante sur les utilisateurs de TikTok en mettant en avant une beauté normée. Les plus jeunes sont influencés par leur "pour toi", ils veulent répondre aux critères du consensus, à la validation d'une majorité, en étant capables de préjudicier leur santé physique et mentale. Ces glow up, ces avant/après sont une inspiration, un exemple pour des personnes en quête de reconnaissance ou cherchant une perfectibilité difficilement viable.

Un des autres aspects dérangeants des glow up sur la plateforme concerne l'invisibilisation et le manque de crédit donné aux personnes en surpoids ou grosses. En effet, le glow up sous-entend que la personne concernée est meilleure, davantage séduisante et intéressante. On va ternir l'image des personnes en surpoids ou en obésité, leur effaçant une beauté ou quelconque attrait. La trend se cantonne à l'apparence, les causes d'un embonpoint sont bafouées, on va blâmer ceux qui ne rentrent pas dans les codes. Dans l'esprit commun, l'objectif ultime serait le glow up, être mince et aimé.

Les personnes minces, au ventre plat sont admirées et sont des modèles. On leur prête une haute valeur alors que celles qui sont en surpoids, en obésité et même dans la maigreur n'ont supposément pas cette estime, cette envergure sociétale.

Le glow up encense la perte de poids, on tue l'ancienne personne complexée qui ne captivait personne. La transformation, la mise en lumière méliorative est ce qui qualifie le glow up, on attribue une utilité à une personne, l'intérêt est accru. Mais cela est dramatique, la condition humaine est remise en question et l'on quantifie les personnes, les rabaissant à des enjeux physiques.

Évidemment, cette trend est genrée, les femmes sont les victimes adorées des carcans et des obligations sociétales. On exige d'une femme considérée comme laide aux yeux de la société de s'axer sur une amélioration. Selon certains, la femme ne peut pas rester grosse, elle doit absolument maigrir pour plaire et pour atteindre ce glow up, acquérir l'attention masculine et la sympathie.

L'impact de la société phallocrate est indéniable, le glow up a été pensé comme résultat des désirs masculins, de la capacité masculine à modeler un type féminin.

Et surtout, la trend est nocive au niveau alimentaire. Prônant une minceur, les plus influencés peuvent se mettre en danger de par leur désir puissant d'être accepté et admiré. Des troubles du comportement alimentaire peuvent advenir, la relation d'un individu avec la nourriture peut être détruite à cause de cette quête du meilleur. Certains vont se priver de nourriture, vont jeûner ou faire du sport à outrance pour perdre un poids qui ne les gênerait pas sans cette contrainte sociétale. Il n'est pas rare de trouver des personnes malades, rongées par les TCA, qui ont sombré à cause des représentations sur les réseaux sociaux, et surtout TikTok. Certains utilisateurs de TikTok partagent même des astuces pour perdre du poids, des personnes malades vont conseiller d'autres personnes malades ..., c'est un cercle vicieux.

Ce principe de glow up est soumis à des dérèglements, des dérives où la quête du mieux se tourne vers l'anorexie, la boulimie et l'hyperphagie. L'apparence sur TikTok est assimilable à une mise en danger, à une prise de risques pour un résultat qui ne sera même pas similaire à celui perçu. Un TikTok est momentané alors que la reproduction de ce qui est vu peut-être préjudiciable sur le long terme.

Heureusement, des contestations émergent et les voix s'élèvent contre ces trends et le glow up normé. Un utilisateur de Twitter, @EdeneightMan, affirme : "Maigrir ce n'est pas "glow up". Prendre du muscle ce n'est pas "glow up".

"Tout simplement parce que être gros c'est pas être plus moche." Un mouvement de soutien se fait entendre, le mouvement body positive n'y est pas étranger.

En opposition à cet assujettissement, cette linéarité de la beauté, certains se débattent et affirment férocement que la beauté et le poids ne sont pas liés.

Le glow up est acceptable, c'est une manière positive de pensée mais elle demeure propre à chacun. Glow up n'est pas qu'un acte physique, une personne glow up lorsqu'elle arbore un sourire, lorsqu'elle fait un masque pour la peau, lorsqu'elle enfile un nouveau jean. Vouloir maigrir est aussi acceptable (nous ne sommes pas là pour vous imposer un comportement, vous faire culpabiliser ou autre) car cela implique une individualité, mais cette transition n'est pas synonyme de bonification car la beauté est subjective. Donc un avant est tout aussi désirable, plaisant qu'un après. L'acceptation de soi est un chemin semé d'embûches et le regard sociétal est compliqué à déconstruire mais le bien-être mental est à privilégier. Une solution drastique et efficace : supprimer l'application TikTok !

Katérina Peralta